« Etat des Lieux »
Exposition de Anne-Valérie GASC et Gilles DESPLANQUES
du 10 décembre 2010 au 08 janvier 2011 – Vernissage le 09 décembre 2010
http://documentsdartistes.org/artistes/gasc/
« Anne-Valérie Gasc a opté pour l’explosif, comme une évidence. La plasticienne qui l’incarne ne lui laisse pas le choix, elle refuse toute forme de concession. Faire éclater, bousiller, arracher les murs. Il y a ce besoin viscéral de faire tomber les façades. Les murs sont les signes du pouvoir (les régimes totalitaires ont clamé leur puissance par l’architecture), ils sont la limite qui empêche et appelle donc la transgression. Camouflée sous son Rimmel, elle a alors installé son dispositif de destruction. Le bâtiment tourne lentement, suspendue dans l’espace, il flotte rappelant les danses du vaisseau de 2001 L’odyssée de l’espace (le film qui raconte la fin de la civilisation humaine). Mais en guise du Ainsi parlait Zarathoustra de Johann Strauss, c’est le « bip bip » de Spoutnik 1 qui résonne comme un compte à rebours. Et il y a ce bouton, une seule pression suffit à engendrer la catastrophe. Et sans autre forme de procès, l’architecture tombe. Il faut être péremptoire pour se faire entendre alors Anne-Valérie Gasc chuchote les mots de l’Organe conscient du Parti Imaginaire, Tiqqun : « Il faut en tout commencer par les principes. L’action juste en découle. Quand une civilisation est ruinée, il faut lui faire faillite. On ne fait pas le ménage dans une maison qui s’écroule. Les buts ne font pas défauts, le nihilisme n’est rien. Les moyens sont hors de cause, l’impuissance n’a pas d’excuse. Les valeurs des moyens se rapportent à leur fin (8). » C’est une comptine qui trotte, un refrain qui l’entête. Cet art n’a pas la rage du désespoir, seulement la hargne de l’exaltation, il se donne à voir comme on résiste : seul contre tous avec pugnacité.
L’artiste est sur le fil, elle joue du privilège de son statut pour questionner le champ (miné) de liberté qui lui est offert. Son œuvre fait d’incessants allers-retours entre la fascination et la révulsion, pour ce monde, pour sa destruction. Il y a forcément du privé dans cette affaire, comme il y a de l’universel. La radicalité de ces actes répond aux risques de la création. Parce qu’il faut être offensif, penser contre soi, Gasc contre Gasc, pour prétendre avancer. Il faut risquer quelque chose, brûler des cathédrales et espérer que tout recommencera. Et si rien ne reprend, si tout cela n’est qu’un coup pour rien, au moins ce soulèvement aura existé. C’est une guérilla vaine et fugace, sans mort ni commentaire. Une bataille ok, pour reprendre le jargon des militaires américains qui de retour de mission s’interrogent : « It’s OK ? » traduire « Zero » « Kill ». It’s ok, tout va bien.
Anne-Valérie Gasc est une artiste qui se joue des genres, à l’harmonie du stéréotype elle préfère le grincement de l’hétérotype. Cette manière d’être qui conteste toutes les manières d’être. Pressurisée, elle embrasse le monde jusqu’à l’étouffement. Et les talons dans les cendres elle se frotte les yeux et se répète les mots qui forgent sa détermination : « On dit qu’il n’y a point de péril, parce qu’il n’y a pas d’émeute ; on dit, comme il n’y a pas de désordre matériel à la surface de la société, que la révolution est loin de nous. C’est que les forces d’anéantissement sont engagées dans une voie toute autre que celle où l’on s’attendait d’abord à les trouver. (…) Cette société fonctionne comme un appel incessant à la restriction mentale. Ses meilleurs éléments lui sont étrangers. Ils se rebellent contre elle. Ce monde tourne autour de ces marges. Sa décomposition l’excède. Tout ce qui vit encore vit contre cette société . (9) » Puis elle se sent vivante, consciente de ce monde qui autour d’elle s’écroule en restant debout. Alors elle s’assied, calmée pour une seconde, et reprend ses notes.»
8.Tiqqun, « Exercice de Métaphysique Critique », in revue Tiqqun, n°1, Paris, janvier 1999
9. Tiqqun, Ibid.
Guillaume Mansart, in Anne Valerie Gasc Bomb Bunker Buster, Images En Manoeuvres éditions, Eop édition, Marseille, 2007
« Etat des Lieux »
Exposition de Anne-Valérie GASC et Gilles DESPLANQUES
du 10 décembre 2010 au 08 janvier 2011 – Vernissage le 09 décembre 2010
http://documentsdartistes.org/artistes/gasc/
« Anne-Valérie Gasc a opté pour l’explosif, comme une évidence. La plasticienne qui l’incarne ne lui laisse pas le choix, elle refuse toute forme de concession. Faire éclater, bousiller, arracher les murs. Il y a ce besoin viscéral de faire tomber les façades. Les murs sont les signes du pouvoir (les régimes totalitaires ont clamé leur puissance par l’architecture), ils sont la limite qui empêche et appelle donc la transgression. Camouflée sous son Rimmel, elle a alors installé son dispositif de destruction. Le bâtiment tourne lentement, suspendue dans l’espace, il flotte rappelant les danses du vaisseau de 2001 L’odyssée de l’espace (le film qui raconte la fin de la civilisation humaine). Mais en guise du Ainsi parlait Zarathoustra de Johann Strauss, c’est le « bip bip » de Spoutnik 1 qui résonne comme un compte à rebours. Et il y a ce bouton, une seule pression suffit à engendrer la catastrophe. Et sans autre forme de procès, l’architecture tombe. Il faut être péremptoire pour se faire entendre alors Anne-Valérie Gasc chuchote les mots de l’Organe conscient du Parti Imaginaire, Tiqqun : « Il faut en tout commencer par les principes. L’action juste en découle. Quand une civilisation est ruinée, il faut lui faire faillite. On ne fait pas le ménage dans une maison qui s’écroule. Les buts ne font pas défauts, le nihilisme n’est rien. Les moyens sont hors de cause, l’impuissance n’a pas d’excuse. Les valeurs des moyens se rapportent à leur fin (8). » C’est une comptine qui trotte, un refrain qui l’entête. Cet art n’a pas la rage du désespoir, seulement la hargne de l’exaltation, il se donne à voir comme on résiste : seul contre tous avec pugnacité.
L’artiste est sur le fil, elle joue du privilège de son statut pour questionner le champ (miné) de liberté qui lui est offert. Son œuvre fait d’incessants allers-retours entre la fascination et la révulsion, pour ce monde, pour sa destruction. Il y a forcément du privé dans cette affaire, comme il y a de l’universel. La radicalité de ces actes répond aux risques de la création. Parce qu’il faut être offensif, penser contre soi, Gasc contre Gasc, pour prétendre avancer. Il faut risquer quelque chose, brûler des cathédrales et espérer que tout recommencera. Et si rien ne reprend, si tout cela n’est qu’un coup pour rien, au moins ce soulèvement aura existé. C’est une guérilla vaine et fugace, sans mort ni commentaire. Une bataille ok, pour reprendre le jargon des militaires américains qui de retour de mission s’interrogent : « It’s OK ? » traduire « Zero » « Kill ». It’s ok, tout va bien.
Anne-Valérie Gasc est une artiste qui se joue des genres, à l’harmonie du stéréotype elle préfère le grincement de l’hétérotype. Cette manière d’être qui conteste toutes les manières d’être. Pressurisée, elle embrasse le monde jusqu’à l’étouffement. Et les talons dans les cendres elle se frotte les yeux et se répète les mots qui forgent sa détermination : « On dit qu’il n’y a point de péril, parce qu’il n’y a pas d’émeute ; on dit, comme il n’y a pas de désordre matériel à la surface de la société, que la révolution est loin de nous. C’est que les forces d’anéantissement sont engagées dans une voie toute autre que celle où l’on s’attendait d’abord à les trouver. (…) Cette société fonctionne comme un appel incessant à la restriction mentale. Ses meilleurs éléments lui sont étrangers. Ils se rebellent contre elle. Ce monde tourne autour de ces marges. Sa décomposition l’excède. Tout ce qui vit encore vit contre cette société . (9) » Puis elle se sent vivante, consciente de ce monde qui autour d’elle s’écroule en restant debout. Alors elle s’assied, calmée pour une seconde, et reprend ses notes.»
8.Tiqqun, « Exercice de Métaphysique Critique », in revue Tiqqun, n°1, Paris, janvier 1999
9. Tiqqun, Ibid.
Guillaume Mansart, in Anne Valerie Gasc Bomb Bunker Buster, Images En Manoeuvres éditions, Eop édition, Marseille, 2007